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Jaquette Intervention № 17

Intervention № 17

  • magazine : Inter
  • numero : 17 - octobre 1982
  • date : 01 octobre 1982
  • catégorie : Culture & arts

Sommaire

  • Hit parade Documenta 7

    Bonjour, je me trouve actuellement devant ce splendide monument qu'est le Fridéricianum, pour notre premier «Hit parade Documenta 7». Les marchands de saucisses frites sont nombreux au rendez-vous, l'ambiance est à la kermesse. Autour de moi quelques petits salons de refusés se montrent dans un dernier sursaut de vie avec leur kiosque désuet face à l'imposante bâtisse. C'est dimanche et la foule se presse à l'entrée du musée, billet en main.
    «Mesdames et Messieurs, ce hit parade auquel vous aussi vous pouvez participer est composé de trois questions.
    1) Classez de 1 à 10 les oeuvres que vous préférez en inscrivant le nom de leurs auteurs.
    2) En quelques lignes, développez les motivations de votre choix.
    3) À votre avis, pensez-vous qu'il y ait des absents à cet événement? Lesquels et pourquoi?»

    par Frédéric Garcia- Mochales
  • Lutte contre les mystifications rèactionnaires

    Depuis nies premières affiches, il y a maintenant dix ans, on n'a pas cessé de me demander si c'est de l'art ou de la politique. Cette question venant surtout de ceux qui sont liés au marché de l'art et du public bourgeois de l'art. À vrai dire si éventuellement ce débat trouvait une réponse claire, l'intérêt du public pour mon travail en serait certainement considérablement réduit, l'espère réussir à maintenir ce débat ouvert le plus longtemps possible. Mes travaux sont autant de l'art que de la politique, jamais seulement l'un ou l'autre. Quand on voit une de mes affiches, on ne pense sans doute pas d'abord à l'expression artistique, mais au contenu de l'image. Ce qui évite peut-être cette sorte de blocage a priori qui existe souvent dans le grand public devant l'oeuvre d'art.
    Je suis pourtant militant, et espère que l'art sociologique est un art militant: je le veux militant de l'autogestion de la pensée; réapprendre à penser par soi-même, à devenir responsable de ses pensées et de ses actes, autogérer sa cMes affiches soulèvent constamment des conflits. Elles concernent presque toujours les problèmes sociaux contemporains importants, ceux dont on ne parle peut-être pas assez. Mes adversaires politiques essayent toujours de m'attaquer sur le contenu politique de mes oeuvres sans vouloir prendre en considération que ce sont des oeuvres d'art. Mais pour moi, l'art n'est pas seulement un moyen de communication, c'est aussi une dimension importante de la liberté et de la vie publique, qui permet l'expression des problèmes qui me préoccupent personnellement ainsi que ceux qui concernent mes concitoyens.

    par Klaus Staeck
  • Art et mythe

    Par «art politiquement engagé», je ne saurais rien entendre de partisan. Je n'appartiens à aucun parti politique. Tous, même le meilleur, constituent des groupes de pression, visant la conquête du pouvoir, avec ses armes habituelles que sont la propagande, la manipulation des esprits, le mensonge comme moyen de gouvernement. Cela semble inévitable, irrémédiablement. Cela ne m'empêche pas de voter socialiste le jour des élections, ne saurait constituer un déterminant de ma théorie, ni de la pratique artistique, où je suis engagé bien plus sérieusement et bien plus radicalement que ne le permet la simple élimination du pire dans la stratégie électorale.
    Je suis pourtant militant, et espère que l'art sociologique est un art militant: je le veux militant de l'autogestion de la pensée; réapprendre à penser par soi-même, à devenir responsable de ses pensées et de ses actes, autogérer sa créativité, dans des expériences communautaires. Dans le domaine de l'art, où la créativité a été confisquée au profit des «artistes» professionnels (supposés supérieurs par l'idéologie bourgeoise), et au détriment du «public» (supposé incapable, inaverti, non créatif et réduit à consommer passivement la création des «génies»), il y a beaucoup à faire pour changer les attitudes mentales.

    par Hervé Fischer
  • Imaginaire libéré

    Ces trois éléments, l'art, l'engagement, la politique sont la plupart du temps séparés et l'opinion commune tend à vouloir faire de l'art quelque chose d'étranger à la politique. D'autres, justifications à l'appui vont plutôt affirmer qu'il n'y a pas d'art pour l'art et que l'art est toujours politique. Enfin! éternelle querelle des genres et des idéologies qui n'est verifiable que dans la mesure où la pratique se trouve confrontée avec le contexte réel. Sans vouloir ici théoriser sur la question de l'art politiquement engagé, ni soustraire les préoccupations tactiques de l'engrenage social, je préfère témoigner de pratiques artistiques dans et hors du système institutionnel de l'art. Je ne puis isoler, de cette façon, le travail artistique de la pratique comme de la théorie; en effet un système basé sur le vendable, le mesurable, le quantifiable organise les tâches quotidiennes et les catégories philosophiques comme s'il s'agissait de biens de consommation. J'ai déjà insisté sur le fait qu'une des fonctions de l'intelligentsia artistique est de provoquer la connaissance des modes d'articulation de la réalité, tout en permettant son décodage, sans pour autant laisser de côté le pouvoir de l'imaginaire.
    L'art politiquement engagé est provocateur parce qu'il permet de libérer l'imaginaire des prisons instituées par le contexte dominant des officines qui orientent notre vécu quotidien. C'est pourquoi mes actions artistiques et politiques se situent à plusieurs niveaux: elles visent la compréhension des systèmes et, si possible, la transformation locale des décisions. Une intervention contre-institutionnelle et publique reste un moyen efficace pour démystifier, voire désaliéner, la fabrication de la culture et de la société dans son ensemble. Pour ce faire, je considère que la fabrication d'événements artistiques polymorphes constitue une façon d'entrer en contact — pour ne pas dire en compétition — avec les institutions officielles d'abord, ce qui ne peut que forcer ces dernières à ouvrir leur jeu pour en montrer l'articulation.

    par Richard Martel
  • 3 x 4 = 12. Philosophie et esthétique. Logique et hygiène

    La forme de l'art trouve son plaisir dans la contemplation narcissique de soi. Elle exprime par là en même temps son abstinence politique. Chaque exposition artistique de la plus petite à la plus grande le démontre, comme par exemple, la Documenta 7 à Kassel avec sa «dignité académique» consciemment voulue. Cependant, le narcissisme de l'art est lui-même un objet politique. Son visage est le mimétisme multiple du masque de l'histoire du pouvoir et de la force, une histoire riche en changements. Et celle-ci serait, sans la mise en scène esthétique, bien peu présente. On ne pourrait ni la contempler ni la comprendre. Chaque digression esthétique le dévoile sur le champ à l'aide de catégories philosophiques, comme dans le cas de la fonction sociale et esthétique de lieux urbains.
    Tels furent l'intention et le but du projet «3x4= 12»: reporter de cette façon des catégories philosophiques et sociales à la structure précise de lieux sociaux, afin de rendre possible leur transparence réciproque. Ainsi s'ébauchait une stratégie: orienter la forme quasiment autonome de l'art vers des infrastructures politiques et sociologiques; c'est-à-dire, conduire l'art le long de problèmes qui sont à la base de la perception et de l'expérience sociales. Que ces structures obéissent simultanément à une certaine forme esthétique n'est pas un hasard. Car elles doivent justement leur existence à un point de vue et à un ordre de construction esthétiques,qui sont réglés vers l'intérieur comme vers l'extérieur, par des déterminations de buts et de fonctions particulières selon les cas, et ce, grâce à des déterminations de signes. L'esthétique de la réalité sociale des lieux citadins montre jusqu'à quel point elle est déjà la manière de projeter une structure de l'ordre et une logique. Elle veut se faire reconnaître par là en tant que politique. Les symboles et les signes de la réalité sociale des lieux citadins attirent l'attention par leur dimension politique sur la relation à l'arrière plan avec l'histoire du pouvoir et des statuts de la société. Le plan esthétique des ainsi marqué selon les cas, par une forme de relation déterminée historiquement, si l'on prend en exemple les jardins, les parcs et autres lieux publics, où les contemplations autoritaires se produisent. Les catégories philosophiques et sociales contemporaines s'imposent aussi en eux, catégories qui sont dans beaucoup de cas soustraites à la perception sociale indirecte. Dans cette mesure a lieu dans toutes les formes d'expression de l'art un commentaire pratique et philosophique.

    par Richard Martel
  • Réflexion (de) domestique

    Je prendrai un ton presque intimiste; que voulez-vous, je m'adresse d'abord à l'individu-e malgré son appartenance à toute institution! Lecteur, lectrice! Je m'adresse à ceux et à celles qui collaborent au présent numéro. . . Mais qu'allais-je faire? C'est de l'hermétisme ça! Pourquoi tenir un tel discours, inaccessible aux gens hors de l'expérience vécue? Soyons vigilant, donnons à tous et à toutes la possibilité de recevoir le message émis. À tous, même à ceux et celles de tous les recoins du système des arts (beaux) qui lisent en coulisse, qui lisent par prudence ou par stratégie, pour information, ou «juste pourvoir». . . C'est pas clair? Ajoutons que je m'adresse aussi aux individu-es qui décident du sort des énergies collectives par le biais des bourses et subventions, tirent les ficelles de l'activité artistique et para-artistique. Aussi aux individu-es aux goûts de pouvoir et qui, n'en ayant pas, servent malgré eux à mandater tel ou tel autre «porte-parole» carriériste qui éventuellement deviendra, comme Iznogoud, calife à la place du calife.'Je m'adresse aux faux Jésus, aux faux Marx et aux faux faux et aux avant-gardes (terme de campagne militaire bien connu). J'en ai oublié ou vous n'êtes pas du nombre: bienheureux êtes-vous! Chanceux qui pouvez dormir profondément. Vous pouvez toujours dormir, on ne peut parler à ceux qui dorment, si ce n'est par des mots écrits à l'encre noire sur papier noir. Ce n'est pas clair? Alors tant pis, ce ne sera encore une fois qu'un médium mal employé, produit vide, produit c'est tout, bien stockable. C'est écrire avec non-art (ce qui devient pratique artistique n'est-ce pas?.)

    par Richard Martel , Hans Mathaus Bachmayer
  • L’argent est l’autre nom de l’art

    Quand l'art est engagé c'est qu'il dit la vérité sur lui-même.
    Quand, par conséquent, il n'accepte pas seulement de se produire (de n'être qu'un produit) mais plutôt quand il devient le lieu d'une réflexion critique sur son rapport à la société.
    Le workshop d'art engagé de Kassel a été pour moi l'occasion d'évoquer un aspect de la production de l'art, qui fut mille fois sans doute le thème des débats du micro-milieu artistique, parce qu'il en constitue probablement son essence.
    Je veux parler de l'argent qui est l'autre nom de l'art. La quête est la condition de l'art.
    La mendicité est le premier métier de l'artiste.
    Je déclare donc qu'avant le pinceau qui brosse la toile ou le ciseau qui entame la pierre, c'est la sébile qui constitue le premier instrument du travail de l'artiste. Ceci, parce que la grande majorité des artistes n'a pas pu échapper au système des faiseurs de mode et de leur commercialisation.

    par Louis Haché
  • Der Strewwelpeter

    Midi sur une voie piétonnière où débouchent plusieurs allées commerciales. Le dimanche précédent, une «répétition» avait été faite juste à côté du musée Fridéricianum.
    Les contes pour enfants ont toujours été un moyen de contrôle insidieux: ils proposent une morale répressive qui tend à mouler l'enfant sur des valeurs autoritaristes. Der Struwwelpeter en est probablement l'exemple le plus frappant en Allemagne: il a été dénoncé à maintes reprises, surtout depuis 1968. J'ai tenté de donner une version «pour adultes» de ce recueil d'histoires en détournant la morale répressive vers une idéologie subversive qui focalise sur certaines aberrations socio-politiques de notre monde contemporain. Dix histoires composent ce recueil.

    par Philippe Fertray
  • Documenta art et argent

    J'ai voulu, à l'occasion de l'atelier d'art engagé, déterminer un projet qui soit à la fois en relation avec mes travaux précédents et avec le phénomène de la Documenta. L'art en général et la Documenta sont liés à des phénomènes d'argent, de marché; il ne faut pas oublier non plus la condi tion de l'artiste qui, bien souvent, doit se heurter à de gros problèmes financiers.
    Il y a neuf ans, j'ai réalisé Yen-quête sur un billet de 1 Of sous plastique. Il s'agissait d'une enquête réa lisée dans différents contextes tels que marchés, banques, galeries d'art et poste, et qui visait à recueillir la réaction des gens lorsque, au moment de payer, je leur présentais un billet de 1 Of coulé dans une épaisse plaque de résine polyester. D'autres billets (sous ro-doïd ou recouverts de bandes de scotch) ont aussi été réalisés, permettant de saisir le moment où le billet, valeur fiduciaire, changeait de fonction et devenait objet esthétique voire oeuvre d'art.

    par Jocelyne Hervé
  • La muse aux yeux bandés

    Il m'apparaissait essentiel, au départ, de faire connaissance personnellement avec les membres de l'atelier afin de connaître la nature de leurs travaux et de leurs pensées, notamment à propos de la Documenta. Cela me semblait un prérequis à une mise en commun du travail.
    C'est pourquoi tout au long de ces deux semaines, j'aurais préféré une approche générale plus modeste et moins d'attentes face à ce qui devait se passer (en faisant fonctionner l'atelier comme participant à la Documenta). À mon avis, une discussion de fond imbriquée dans un travail pratique commun aurait été plus efficace que la répétition infinie de déclarations auxquelles on a eu droit lors des séminaires.
    La médiation des idées et des intentions m'est apparue l'aspect essentiel de l'atelier.

    par Siegfried Kaden
  • Dos au cul du mental

    Depuis plusieurs années, j'existe par une recherche «géolytique», la faille, la fissure par laquelle un individu peut projeter son délire poétique sous forme d'artefact, dans une réalité où le monde l'accepte comme produit esthétique. Par son intermédiaire, tout un chacun peut ouvrir une communication pour jouir de l'ingérence d'une réalité autre. Dans cette pratique, je fais souvent appel à des techniques où le sens habituellement attribué à l'objet d'art glisse.. . sur des supports simples, pratiques, souples: adhésif, photocopie, badge, spray, installation. Avec cet appareil relativement simple, cette recherche, utilisant des thèmes tels que natures mortes, couleurs primaires, éléments premiers, me permet d'établir un camp de travail sur les coordonnées de cette faille, entre la compréhension de ma découverte et les différents plans de réalité qu'elle recoupe. En mettant en place ce dispositif sensoriel, j'élabore une topologie de mon complexe d'existence et de la réalité, comme explication de l'existence. Cette méthode me permet d'interpréter ma présence dans un territoire quelconque et indifférent. Cette pratique me donne du pouvoir sur les espaces de pensées que trament les trajectoires des sens de notre contemporanéité. Chaque artefact (objet) proposé étant comme les jalons de ma démarche, où rétrospectivement je mémorise mon aventure au travers de ces territoires qui béent au flanc de cette fissure. Grâce au «véhicule art», je conjugue mon univers mental.

    par Christian Vanderborght
  • Document Documenta Documentation

    «Les photographies ne sont pas, comme on pense souvent, des enregistrements mécaniques», et conséquemment, des informations objectives ou des documents. «Chaque fois que nous regardons une photographie, nous sommes conscients, partiellement toutefois, que le photographe a choisi cette séquence parmi une infinité d'autres possibles. Cela est vrai même dans le plus banal cliché de famille.» (John Berger, Ways of seeing)
    Dans le cas présent, il ne s'agit pas d'une photo de famille, mais d'une photo qui devait paraître dans tous les journaux allemands, en tant que preuve de la violence de la résistance politique dans ce pays. La photo est un DOCUMENT parmi d'autres qui démontre le contraire: la violence véhiculée par l'État, la police, l'industrie. . . Mais pour le photographe Tobias Heldt, cette situation de violence était celle qu'il avait recherchée. En publiant cette photo, il ne s'est pas préoccupé des conséquences pour les jeunes hommes en action qu'elle représentait. Ils sont emprisonnés pour des années. D'un seul coup, le photographe saisit son importance, le pouvoir de sa photo et son prix.

    par Thomas Born , Annelie Heinevetter
  • Le sens du poil et une critique transparente

    Dans les trois groupes de l'atelier d'art engagé, quatre filles seulement: une allemande, une française et deux québécoises. Mon attitude au départ: chercher à m'associer pour construire autour et avec un langage qui tienne compte du fait féminin. Deux projets sont formulés: travailler à une critique transparente et redonner son sens au poil pour prendre la part du sexe et de la peau.
    D'où cette réflexion du 25 juin, sur une terrasse ensoleillée, devant le Fridéricianum.
    La question du sens rebondissait tous les jours durant les discussions entre fi et H heures. Elle faisait cependant abstraction de d'autres sens, qui pourtant transformaient en carrefours les corridors de la petite auberge où logeaient les participants de l'atelier. La direction à trouver: où donc est sa chambre? Du côté du mythe ou du côté de l'art? La question du sens, question de langage, referait aussi au délicat problème de la traduction, du message à transmettre, à interpréter, à placer plutôt au centre du double sens.

    par Diane Jocelyne Côté , Chantai Gaudreault
  • Prendre une photo ou prendre un bâton

    Tobias Heldt avait été invité par Thomas et Annelie à participer à une rencontre à l'atelier et nous avons cru bon de reproduire des moments de la traduction simultanée reprise sur bande sonore. Cesquelques extraits aident à mieux saisir le problème éthique vécu par les photographes de presse.
    Tobias Heldt En 1981, au mois de février, la dernière grande manifestation antinucléaire à Brockdorf s'est terminée par des luttes sanglantes. Les policiers, qui étaient en très grand nombre, ont fait des erreurs de stratégie. Ils ont voulu disperser les manifestants trop rapidement et trop brutalement. Le soir allait tomber et, s'ils avaient attendu une heure avant d'intervenir, la plupart des manifestants auraient eu déjà le temps de quitter le champ d'action. Il leur a fallu courir très vite pour fuir devant la police.

    par Thomas , Annelie
  • L’art en R.D.A.

    En R.D.A., «l'art c'est l'État», comme aussi l'art «c'est une arme», mais une arme que la bureaucratie et l'administration retournent contre les artistes. Il est même dangereux pour un artiste d'être cité dans une revue étrangère parce qu'alors on le soupçonnera d'activités illégales puisque ses contacts ne lui sont pas venus par l'État. Il ne faut donc jamais donner le nom et l'adresse des contacts là-bas, puisque ces gens peuvent être surveillés et interrogés par la police.
    La situation de l'art en République démocratique allemande est assez problématique. L'administration de la politique artistique est passablement lourde et les possibilités d'information pratiquement nulles. Les contacts étant très difficiles avec l'Ouest, on a cherché à développer les rapports avec la Tchécoslovaquie et la Pologne. Les seuls artistes qui réussissent à exposer sont ceux qui suivent de près l'idéologie de l'État. En réaction donc, il s'est développé un art politiquement engagé, un art évidemment clandestin qui propose une réflexion sur la situation vécue dans le régime de l'Allemagne de l'Est. Des formes d'art contemporain pratiquées dans l'Ouest comme la performance et la vidéo ne sont absolument pas reconnues et sont donc proposées à des publics restreints par des artistes engagés et toujours par des stratégies de clandestinité. Il existe en dehors de l'art officiel enseigné dans les écoles (qui ne va pas plus avant que la peinture et la sculpture) des pratiques de groupes rassemblés autour des théories de Paul Klee et Kandinsky. Je peux donner ici l'exemple de K. . . mieux connu en France qu'en R.D.A., qui a développé une peinture sculpturale véhiculant des composantes philosophiques.

    par Thomas Born , Annelie Heinevetter
  • Art et écologie

    Rencontre avec Uriburu et Pierre Restany.
    Uriburu travaille depuis 68 à des projets visant à conscientiser sur l'urgence des problèmes écologiques, principalement la pollution de l'eau. Pendant des événements internationaux (la Biennale de Venise 68, Biennale de Paris, etc.), il a coloré des points d'eau en vert fluorescent. Il utilise une teinture non toxique et qui ne tache pas les pierres, pour que soit donné l'alarme contre la pollution progressive des cours d'eau. Récemment à Dùsseldorf, il a coloré le Rhin avec Beuys, affichant ensuite des pancartes où sont cités les dix milles éléments toxiques dans l'eau, pour sensibiliser à la pollution amenée par les industries. U a plusieurs fois peint ou planté des arbres comme action; il s'est peint lui-même de ce vert qui rend hommage à l'Amazonie, le plus grand espace vert du monde. Pendant la Documenta 7, il se tint debout avec les statues, sur le toit du Fridericianium, dans sa combinaison fluorescente verte, symbolisant l'espoir de l'écologie, pendant que trois fontaines colorées jaillissaient dans la ville de Kassel.

    par Diane Jocelyne Côté
  • La free international university

    Quels sont les principes qui sous-tendent la Free International University?
    Rhéa: Alors l'idée, c'est une idée très ancienne. Après la première guerre, il y avait un climat de réforme en France et en Allemagne, surtout en Allemagne où tout avait été pratiquement détruit; tout était à recommencer. Dans cette atmosphère de recherche, des idées anarchistes circulaient; autant en politique qu'en éducation, en alimentation, etc. . . C'est à ce moment que se sont propagées les idées de Rudolf Steiner1, un penseur qui a beaucoup donné pour le renouvellement de notre société. Il a mis en évidence le fait que les idéaux de la Révolution française, liberté, égalité, fraternité ne pouvaient exister dans un État au pouvoir centralisateur. Ces trois idéaux peuvent se manifester chacun dans leur domaine respectif. Steiner a trouvé que la liberté radicale et totale ne se vit que dans le domaine de l'éducation, des langues, de la culture et des médias de communication (qui permettent de transmettre l'éducation et l'information). Ce domaine de l'éducation doit donc être complètement séparé de l'État, de l'économie; il doit être laissé complètement autonome, souverain, comme un État souverain. L'idéal de la fraternité, se réalise dans le domaine de l'économie, où il n'est pas du tout sentimental mais plutôt clair et rationnel. La fraternité dans la vie réelle, c'est de régler les besoins et de distribuer l'argent. L'idéal de l'égalité se réalise dans le droit où tous les hommes et toutes les femmes ont les mêmes droits devant la loi.

    par Diane Jocelyne Côté
  • Les fous du roi et les machiavels de l’art

    Au regard, ces quelques mille oeuvres faisaient éclater sur les murs blancs des salles du Fridéricianum, de l'Orangerie et de la Neùe Oallery le retour en force de la peinture sur la scène de l'art actuel, reléguant à un passé récent l'art conceptuel, le land art ou l'art engagé.
    Mais une observation plus en profondeur de cette septième Documenta permettait de faire contrepoids à un catalogue trop lourd de belles couleurs: au cours des deux premières semaines, l'allure de cette immense exposition s'est trouvée modifiée par plusieurs événements. Que l'on pense à ce colloque à huis clos d'experts, appelés à scruter la survie du «Musée des cent jours» ; à cet atelier au grenier du Fridéricianum, ravivant l'actualité d'un art qui déborde de la toile vers des engagements politiques. Et il y eut aussi cette discussion à bâtons rompus au soubassement du musée sur l'identité allemande à partir de l'imaginaire, ou encore cet échat-faudage sur lequel toute icône du pouvoir était fondue, par ordre d'artiste. Autour, une exposition dans les locaux désaffectés d'une école rassemblait les traces imagées des horreurs de la guerre, une autre sur le thème des textiles, ne manquait pas d'audace esthétique tandis que les concerts rock, derrière des fils barbelés, hurlaient leurs chansons critiques.

    par Guy Durand
  • Impression à vau l’eau

    Eine mauer als verschlossene - festung Und drinnen menschen Eine Mauer als real poli tisches kunstwerk Und drueben eben-falls
    menschen
    Et des voies d'accès air et terre Eine mauer mur de béton barbelés fosses
    Und an die mauer entlang
    fquelques plates—formes d'observation pour touristes horrifiés line schande! ogottogott! Westgoten Ostgoten Zwei bibel ein
    sprache
    Die spaltung artificiellement erhalten politiquement unterstuetzt von beiden seiten Kunst und Kultur als ausweg aus der impasse What do you think about it mister Reagan And you intend to be a Berliner just like your vorgaenger
    Fitzgerald ! gottogott ! Iliann! Lass uns ruhen auf den raketen Sprich du all ein
    de l'avenir!
    NO FUTURE

    par Alain-Martin Richard
  • La documenta 7 ou l’art envisagé comme surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées

    Que penser d'une manifestation artistique de l'envergure de cette septième Documenta de Kassel? Étonnante par le nombre d'«oeuvres», rassemblant à peu près toutes les tendances que l'on peut voir dans les galeries et musées de l'Occident industrialisé. Près de mille oeuvres de 179 artistes sont amassées dans le Fridéricianum, l'Orangerie et la Neùe Galerie de Kassel. Gigantesque foire qui réhabilite l'art décoratif et propose une vision de l'art comme ornementation et délectation. C'est à croire que l'art actuel n'existe que sur des surfaces planes recouvertes de couleurs en un certain ordre assemblées; le tout disposé au mur d'un hall d'entrée d'une banque allemande ou dans le bureau d'un dirigeant d'entreprise industrielle quelconque.
    Après avoir été en contact pendant dix jours avec ces «oeuvres» d'artistes actuels, je dois dire qu'il y a là comme une espèce de manoeuvre: on nous fait croire que c'est le reflet de l'activité des artistes actuels, ce qui est une imposture. C'est ce qui amène d'ailleurs nombre de critiques de revues ou de journaux à dire que l'art politique, engagé ou «éclaté», est «en perte de vitesse», sinon «terminé». Cependant, pour l'observateur intéressé à la transformation de l'art dans son rapport à la société, ces oeuvres semblent bien peu capables de susciter un renouvellement engageant. Peut-être est-ce dans la nature de cette manifestation, que de rassembler des productions ayant déjà été exposées ailleurs. . .

    par Richard Martel
  • Expositions parallèles

    À deux pas du Fridéricianum (quartiers généraux de la Documenta 7) se tenait une exposition très marginale intitulée «Guerre et Paix», dans une ancienne école respirant un peu l'atmosphère de PSI à New York. Des peintures, dessins, bandes dessinées, collages, sculptures, environnements, montages de toutes sortes constituaient l'événement, organisé avec très peu de moyens et sans catalogue évidemment! Le figuratif y était à l'honneur: dénonciation de la guerre 39-45 et de ses atrocités, quelques flashes sur le Viêt-nam, la bombe atomique, les prisonniers politiques et la torture. Après le premier étage, on savait à quoi s'en tenir pour la suite: un tableau horrible en amenait un autre. La qualité laissait souvent à désirer, mais derrière ces lacunes «esthétiques» et «techniques» se cachait la véritable raison qui motivait cette exposition, raison plus que politique.
    La Documenta 7 étale l'art officiel international. Elle nous en met plein la vue. Comme pour nous dissimuler qu'à Kassel, en 39-45, on fabriquait les trop célèbres «Panzers de la mort», ces fameux chars d'assaut allemands indestructibles et munis de canons à longue portée. Aujourd'hui encore, ces mêmes usines tournent,modernisées, et fournissent en chars d'assaut la plupart des fronts en Orient et au Moyen-Orient ainsi qu'en équipement militaire de nombreux pays à travers le globe.

    par Jean-Claude St-Hilaire

A propos du magazine

Inter
Inter INTER, ART ACTUEL est un périodique culturel disséminant diverses formes de l’art actuel : performance, installation, poésie, manœuvre, multimédia tout en interrogeant les rapports de l’art au social et au culturel, au politique et à l’éthique. Entièrement produit à Québec depuis 1978, Inter, art actuel a des antennes en région partout au Québec, un correspondant régulier en France et des collaborateurs internationaux dans divers secteurs de la scène artistique mondiale. Principalement francophone, la revue Inter, art actuel accueille à l’occasion des contributions en anglais et en espagnol en raison de son ouverture sur la scène internationale. En plus d’offrir une couverture des différentes manifestations artistiques et mouvances politico-culturelles, la revue s’engage directement dans le renouvellement du discours sur les pratiques éphémères et émergentes. Inter, art actuel est une tribune qui invite les artistes, les critiques et les penseurs de la culture à prendre position sur les enjeux qui touchent les pratiques de l’art actuel ou de tout domaine connexe, ainsi que sur les transformations de nos sociétés, du rituel au virtuel.

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