Be nice to your curator
- magazine : Esse
- numero : 72 - 2011
- date : 01 juillet 2011
- catégorie : Culture & arts
Sommaire
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Le pouvoir du commissaire
La présence du commissaire en amont d’une exposition est maintenant convenue dans le monde de l’art. Néanmoins le foisonnement des réflexions, colloques ou débats autour de cette discipline montre une évidente effervescence pour les enjeux des pratiques commissariales (1). Parfois critiqué sans recul, parfois démesurément à l’avant-plan, le commissaire d’exposition persiste et signe sous de nombreuses figures : commissaire de formation ou travailleur culturel adoptant occasionnellement ce rôle, commissaire indépendant ou commissaire lié à une institution, commissaire-auteur ou artiste-commissaire, la fonction semble s’adapter sur mesure à tous les formats d’expositions et de manifestations artistiques, et bien sûr aux différents modèles institutionnels. Après une quarantaine d’années ponctuées par le passage de quelques commissaires-vedettes, où en est la pratique commissariale ? Il nous a semblé pertinent d’analyser quelques-unes de ses plus récentes occurrences, tantôt dans une perspective historique, tantôt en regard des préoccupations artistiques actuelles.
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Glissements de sens : le commissariat sur invitation au musée
C’est principalement aux commissaires indépendants « invités » que l’on doit l’introduction d’importantes transformations dans les pratiques de production des expositions en art contemporain. Leur nature fluide et adaptable crée justement cet espace ouvert et créatif qui permet de travailler auprès des artistes et des publics de façon novatrice. Toutefois, ce travail coexiste forcément avec les pratiques de travail des conservateurs de musées, qui ont souvent d’autres priorités et intérêts en regard des institutions et de leurs publics. La tension entre ces pratiques entraîne des conséquences imprévues sur les publics et leur interprétation des expositions d’art contemporain.
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Commissariat d’exposition : une fonction aussi évolutive qu’ambiguë
Le développement massif et global de l’industrie culturelle a eu entre autres conséquences la multiplication des expositions d’art vivant, urbi et orbi (« biennalisation » de l’art). Cette situation met plus que jamais en avant la figure du « curateur », devenue indispensable : il (elle) est celui (celle) qui vient mettre de l’ordre dans la profusion de la création émergente en arts plastiques, à ce jour plus fournie que jamais encore. Cela non sans conséquence, à commencer par l’abus de pouvoir, le détournement par les commissaires du propos ou de l’intention de l’artiste. Jusqu’à cette réponse institutionnelle extrême, qui permet au système de l’exposition de se perpétuer sans trop s’user : faire de l’artiste, à son tour, un curateur.
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Le commissaire-auteur et ses critiques
Le commissaire-auteur, encensé par quelques-uns, décrié par un grand nombre, est souvent présenté comme le nouvel acteur omnipotent et omniscient du monde de l’art qui tend à s’exposer à la place des artistes et de leurs œuvres. Pourtant, cette critique du commissaire-démiurge, loin d’être un phénomène récent, est aussi ancienne que l’art contemporain lui-même, comme le prouvent les écrits de Daniel Buren, qui dénonçaient en 1972 le pouvoir exorbitant que s’était conféré Harald Szeemann à l’occasion de la Documenta V. Il semble dès lors légitime de s’interroger sur les raisons qui motivent ces critiques et qui semblent plus tenir aux relations nouées dès l’origine entre l’art contemporain et l’institution muséale qu’au commissaire lui-même.
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Commissaire : l’amour t’expose !
Louise Déry réactualise l’expression de l’historien de l’art Hubert Damisch, « l’amour m’expose » (1989) comme pivot d’une réflexion qu’elle développe entre le commissaire d’exposition qui, généraliste ou venant d’autres disciplines, agit à distance des arts visuels, et sur celui qui est exposé par l’amour et dont la pratique commissariale suggère la production de connaissances et l’inscription des savoirs produits par l’œuvre exposée au sein du discours et de l’histoire.
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Valorisations institutionnelles et nouvelles pratiques curatoriales
Suspectées d’être trop proches d’une logique économique capitaliste, les institutions artistiques des années 1990 ont cherché à valoriser des pratiques curatoriales visant à leur donner une dimension plus critique, voire plus artistique. Les commissaires de ce nouvel institutionnalisme s’emparent ainsi des formes artistiques éphémères ou processuelles, pour les qualités qu’elles ont - en raison de leurs invisibilités relatives - à donner à l’institution une certaine visibilité. La critique institutionnelle des années 1970 à 1990 se trouve absorbée par les commissaires des années 2000 qui y voient l’occasion de développer une réflexion implicite sur la valeur institutionnelle.
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L’éphémère comme agent de réflexivité
À partir de trois études de cas, cet article traite de l’éphémère et de la possibilité qu’il soit « travaillé » afin de constituer un commissariat empreint de réflexivité et intégré dans une programmation et un lieu d’exposition, en l’occurrence une galerie universitaire. L’usage et la notion de l’éphémère employées ainsi alimentent un rapport critique avec l’espace d’exposition, le statut des « œuvres » et leur réception, les dispositifs de présentation, et avec ce qui constitue un sujet approprié d’exposition.
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La forme de l’exposition est un texte
Erwin Wurm
Shary Boyle
L’Orchestre d’Hommes-Orchestres
Frédéric Lavoie
Kent Monkman
Jacynthe Carrier -
Le musée obscur
On soupçonne les peintures suspendues aux murs d’un musée de n’être en fait que les reliquats mimétiques des idéologies conflictuelles qu’elles cachent. Pourtant, lorsqu’on les dispose ensemble, elles s’agencent incroyablement bien, comme si toutes les guerres et idéologies à la source même de leur création s’estompaient. Le musée représente donc une sorte de « paradis » au sein duquel les objets exposés sont en paix les uns avec les autres, imprégnés de l’éternité que leur confère la série de rituels commissariaux qu’ils traversent. Néanmoins, le paradoxe de cet état « paradisiaque » réside dans le fait que des foules bigarrées de visiteurs de partout dans le monde viennent réactiver ces idéologies sédimentaires en incarnant une diversité idéologique. Aujourd’hui, les idéologies conflictuelles ne s’affrontent plus sur les murs du musée, mais devant ceux ci. C’est donc dire que les « visiteurs au paradis » se trouvent à idéologiser derechef ce qui se trouvait confiné à une muséologie morphéenne.
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Auditoires affranchis, institutions et ecologies médiatiques pirates au Brésil
Comme les circuits pirates constituent l’un des plus intenses points de contact entre les circuits locaux et les marchés mondiaux, ils jouent un rôle important dans la configuration de la scène culturelle des pays émergents comme le Brésil. Leurs effets se font inévitablement sentir dans les établissements culturels comme les musées et les galeries d’art contemporain. Dans cet article, certaines des tensions créées par ce croisement sont analysées à travers le cas de Cine Falcatrua (Ciné Canular), une société cinématographique pirate active sur la scène de l’art contemporain brésilien.
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The Last Newspaper : l’exposition-forum
L’exposition The Last Newspaper évoque les transformations apportées par les nouvelles technologies dans le monde de l’actualité et les modifications des usages qui y sont liées. Le dispositif créé par les commissaires, les « partenaires » en résidence et les artistes constitue un espace à l’intérieur duquel le visiteur est amené à prendre part à une réflexion sur des questions fondamentales telles que la démocratie, la mondialisation ainsi que le partage de l’information et du pouvoir, soulevant par le fait même la question du rôle de l’art dans la sphère publique.