Numéro 3
- magazine : L'impossible
- numero : 3 - 2012
- date : 01 mai 2012
- catégorie : Actualités
Sommaire
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Breivik, le normopathe
Anders Breivik n’est pas un monstre. Breivik, ses 33 ans, ses 77 assassinés à la sulfateuse, le 22 juille 2011 à Oslo, n’est pas un salaud. Ce n’est pas un fou, un chien, un loup, une hyène. Encore moins une « ordure », un « enculé vivant », une « sous-merde », je n’emploie jamais ces mots, je ne sais pas ce qu’ils veulent dire. Breivik ne fait jamais le salut nazi. Mais où vont-ils chercher ça ? Ils n’ont donc jamais vu un nazi faire le salut nazi ? Une foule nazie faire le salut nazi ? D’adorables enfants nazis faire le salut nazi ? Des Françaises, des Français, faire le salut nazi ? Des cadres, des cadresses et leurs cadrillons, faire le salut nazi ? Hitler, faire le salut nazi (Hitler était nazi) ?
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L’Europe du Nord, modèle de la droite française
Après les élections on voudrait croire que la question de Marine Le Pen est résolue. Je pense qu’on se trompe sur le candidat de l’extrême droite et sur le but de Marine Le Pen. Pour comprendre à qui on a affaire, il faut bien connaître la politique française, certes, mais aussi regarder ailleurs. On ne peut pas comprendre la stratégie de Marine Le Pen ou de Nicolas Sarkozy si on méconnaît la situation belge, néerlandaise ou danoise.
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Promenade hors du sentier des ânes
Depuis l’automne 2007, l’économie néolibérale triomphante a dû en rabattre. Pas longtemps évidemment. Mais si ses bonus, son train d’inégalité n’ont été que fort peu entamés par la tempête, il reste un formidable malaise. Et sur le plan pratique : l’Europe entre dans une longue phase japonaise. L’effet de rattrapage provoqué par les pays de l’Est et du Sud rejoignant l’Union européenne, qui avait dopé la croissance polonaise, se ralentit et les problèmes d’absence de socle social commun, de politique industrielle, de stratégie dans la mondialisation (Lisbonne 2000 est bien loin), de coût du capital, d’impôts qui ne favorisent pas un dumping interne ravageur prennent le relais des problèmes de l’euro.
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Une lampe entre les dents
Rencontres avec les invisibles d'Athènes
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Le chant pour mille voix du roman arabe
Son nom à rallonge pourrait évoquer quelque ancienne noblesse syrienne de l’Empire ottoman, son appartement au charme délicatement oriental pourrait être situé à Damas, mais Farouk Mardam-Bey vit à Paris depuis quarante-sept ans. Disons : son corps vit à Paris mais sa tête continue d’être là-bas, en cette Syrie natale qu’il n’a plus vue depuis 1976, date à laquelle il est devenu, dit-il, « une sorte d’exilé politique ». Car l’ambassade syrienne l’avait repéré dans une manifestation contre l’intervention de l’armée syrienne au Liban et avait aussitôt décidé : « Refus de renouvellement de passeport, arrestation en cas de présence aux frontières. » Depuis, Farouk Mardam-Bey promène sa haute silhouette, sa gentillesse et son oeil brillant en Occident. Éditeur chez Sindbad/Actes sud, il fait depuis quinze ans traduire et publier les romanciers, poètes et essayistes du monde arabe. Rencontre.
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Vincent, Oedipe & les autres
Le 5 avril 2012, il s’est mis à pleuvoir juste ce qu’il faut pour faire tomber les pollens. À 17 heures, le conseil de classe s’est réuni autour des bulletins des vingt-neuf élèves de troisième trois. C’est dans un collège de campagne, c’est à dix kilomètres de Bayonne. C’est un rituel. C’est d’une
grande banalité. Les enseignants connaissent ça par coeur. Ici, on ne demande pas aux parents d’attendre devant la porte que l’ensemble des professeurs ait débattu à huis clos. Les élèves délégués sont bien reçus. Ils prennent la parole au fur et à mesure des débats. -
Le Bug Entretien avec Roberto di Cosmo
Roberto Di Cosmo est professeur d’informatique à Paris 7. Il a commencé par étudier les humanités et c’est avec un prix remporté dans un concours de versions grecque et latine qu’il s’est acheté son premier ordinateur. Une passion immédiate qui l’occupe depuis trente ans et dont il a fait son métier. Je l’ai rencontré la première fois à cause d’une phrase qu’il avait dite quelque part : « Le logiciel est la construction la plus complexe jamais réalisée par l’homme. » En soi, c’est déjà une pensée troublante. Mais le trouble redouble quand on constate à quel point les logiciels sont faillibles, à quelle fréquence nos machines cessent de nous obéir. D’où l’idée de revenir avec lui sur le « bug », ce moment où se joue manifestement autre chose que le simple défaut de fabrication.
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Éthique d’un paysan
Le paysan est gardien. Sa vie ne répond pas à la question : « Quelle trace vas-tu laisser ? » ; mais à la question : « Que vas-tu préserver ? » La vie, essentiellement, c’est de la peine qu’entrecoupent des moments plus doux où l’on souffle.
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Nos territoires
J’avais décidé d’y aller, vers l’ouest, par la route du Vexin qui est si belle avec ses mouettes en vol désordonné au-dessus des cultures et ses cimetières entourés de murets en pierre sèche, leurs morts étendus au milieu de la plaine, et la mer qu’on sent déjà, rien qu’à la couleur du ciel, un bleu tout spécial qui commence justement ici et qui continue vers Dieppe. J’allais pas à la mer mais dans un pays ni de Caux ni de Bray, celui entre les deux, où il n’y a rien que de l’ordinaire, des gens, des vaches et toujours plus ou moins des champs et des bois.
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L’autre Pollock de Cody (Wyoming) à Paris (France)
« Ce qui demeure des grandes civilisations du passé, c’est le travail créatif de l’homme. Quand tout le reste est oublié, ce sont les constructions, les images, les poèmes, la matière de leur imagination qui évoquent leur grandeur. » Quelques remarques à l’étudiant en art sur le dilemme de l’artiste, Charles Pollock, vers 1950.