Transparence
- magazine : Espace
- numero : 123 - 2019
- date : 01 septembre 2019
- catégorie : Culture & arts
Sommaire
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Transparence/Transparency
Force est de constater que le mot « transparence » est aujourd’hui de plus en plus présent dans le discours de l’administration publique, de l’éthique des affaires et dans toutes formes de commerces de biens et de services. Pas un jour ne passe sans que cette notion soit employée afin de rappeler l’importance du lien de confiance qui doit primer dans la communication entre les divers partenaires publics ou privés. De toute évidence, dans ce contexte, la transparence est une « valeur relationnelle ». Aussi, pas étonnant que ce soit avec l’avènement de l’espace public au 18e siècle que l’idée de transparence s’impose peu à peu d’un point de vue éthico-politique.
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Transparence, opacité et voile musulman
Si la transparence s’associe avec la visibilité et l’opacité avec le secret, cette dimension dichotomique constitue, selon Bruno Nassim Aboudrar, les deux régimes de visibilité qui réfèrent respectivement au monde occidental et au monde moyen-oriental. C’est dans ce contexte culturel que l’auteur analyse
comment le voile est devenu musulman. D’ailleurs, pour Aboudrar, ce sont les artistes iraniennes, notamment Shokoofeh Alidousti, Mehraneh Atashi et Shirin Neshat, qui « expriment le mieux ces
paradoxes du voile musulman, signal rémanent d’opacité dans un monde, en fait, entièrement gagné au régime de visibilité de la transparence ». -
Shadow of Clear Glass: Wyn Geleynse and Iñigo Manglano-Ovalle
In his Natural History (77 CE), Pliny the Elder, admiring the many varieties of coloured glass, notes that “the highest value is set upon glass that is entirely colourless and transparent, as nearly as possible resembling crystal, in fact.”1 Almost two millennia have passed, and a longing for transparent glass remains, becoming highly conceptualized: “[W]e imagine glass to be purely transparent,” writes curtain wall expert Robert Heintges, “we will it to be transparent; we imbue it with an
imagined essence of transparency, even when this is not the physical or visual reality.” -
Le corps transparent : une prétention métaphysique ?
En 1976, l’historien de l’art Philippe Junod fait paraître un livre intitulé Transparence et opacité. Essai sur les fondements théoriques de l’art moderne. Résultat d’une recherche érudite dans laquelle se trouvent convoquées plusieurs théories artistiques développées depuis les Grecs anciens jusqu’aux Modernes, cet ouvrage se veut également une relecture de l’oeuvre de l’historien allemand Konrad Fiedler (1841-1895). Particulièrement novateur, Fiedler a entrepris, de son temps, une analyse de la modernité esthétique en se basant sur le processus de création. C’est à partir de cette analyse que Junod va avancer la thèse selon laquelle la transparence, associée aux théories classiques, est de l’ordre de la mimèsis, de l’imitation comme reproduction; alors que l’opacité va s’identifier à la poiesis, soit à la création comme
« production du réel ». -
Touching Viscera: Marilène Oliver and Laura Ferguson
For anyone who has undergone a medical scan, this is a familiar
scene. To create a transparent body and reap the goods of biomedical imaging technologies, one must submit to its regimes. From the dissection illustrations of Henry Vandyke Carter and Henry Gray’s Anatomy (1858), to contemporary scans of magnetic resonance imaging (MRI), the goal for medical imagery is to make the body transparent. Without the identity that flesh provides, these visceral depictions of the body obscure the personhood of the patient they are meant to depict, and instead transform the exposed anatomy into objects of close medical surveillance. -
L’envers du décor : les oeuvres de David Spriggs et de Stanley Février
David Spriggs et Stanley Février sont deux artistes qui utilisent la transparence : le premier pour ses caractéristiques plastiques, mais aussi pour son sens intrinsèque; le second pour sa capacité à dévoiler ce que les autorités voudraient garder caché. Si Spriggs remet en question les vertus de la transparence, Février l’utilise en retournant l’argument et en inversant le propos. On peut toutefois relier leurs deux pratiques par la dimension politique qui les sous-tend.
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La blockchain est-elle trop tranparente ?
Entre le marché de l’art qui s’en empare pour marchandiser ce qui, jusque-là, lui échappait, un artiste qui permet à ses collectionneurs d’acheter des parts d’influence sur lui et un centre d’art sans juridiction d’origine, la blockchain se dévoile comme un outil artistique aussi subversif que nécessaire. Mais, tandis que la Libra fait les choux gras
de la presse tout en s’attirant les foudres des législateurs1, ce projet de cryptomonnaie oligarco-corporatiste mené par Facebook aux côtés des principaux organismes de paiement du monde2 remet radicalement en question les principes de fonctionnement des blockchains. -
À la faveur de la nuit, révéler la gentrification à Montréal et New York
La lumière révèle et aveugle, une propriété paradoxale qui en fait non pas l’opposée des ténèbres, mais plutôt un phénomène complémentaire. Il n’y a pas d’ombre sans lueur ni de véritable éclat sans obscurité, si bien que traiter d’éclairage implique d’être à la fois sensible à la noirceur et à l’opacité. Il faut développer une attention pour tout ce qui se dérobe au regard et adopter une saine méfiance envers ce que le faisceau des projecteurs magnifie.
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Écran et transparence dans la matière : un entretien avec Ghislaine Vappereau
Le travail de Ghislaine Vappereau ne se donne jamais comme une évidence. Chaque oeuvre interroge la réalité de ce qui se tient devant soi, de ce que l'on tient pour connu, maîtrisé. C'est sur la cuisine comme espace idéologique, social et culturel que cette attitude du regard trouve à exercer son questionnement. L’artiste en évalue dès lors les formes, les marqueurs, les « comédies », comme autant d'indices d’une réalité à remettre en cause, à réinventer pour mieux rendre visible ce qui se joue sous la forme d’une négociation avec le réel2. Ainsi, dans sa pratique, la transparence interroge les conditions de cette négociation du regard entre ce qui lui fait écran, ce qui lui permet une traversée et sa faculté à accommoder les visées pour faire image, pour faire sens.
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Le parlement des invisibles : un entretien avec Valérie Blass
À l’occasion de la remise du prestigieux Prix Gershon Iskowitz 2017, l’artiste montréalaise Valérie Blass présente une exposition personnelle au Musée des beaux-arts
de l’Ontario à Toronto, du 18 mai au 1er décembre 2019.
Sous le titre Le parlement des invisibles, Blass réunit ses sculptures les plus récentes, faisant suite à la rétrospective de son travail organisée par Oakville Galleries plus tôt cette année (en circulation à la Douglas Hyde Gallery à Dublin jusqu’au 7 septembre). -
Puissiez-vous espérer vivre dans des temps intéressants : 58e édition de la Biennale de Venise
L’exposition internationale May You Live in Interesting Times, présentée dans le cadre de la 58e Biennale de Venise, a fait d’emblée sourciller le monde de l’art avec une maxime qui, prise au premier degré, semble prétentieuse et déconnectée du sort de la planète. Le commissaire Ralph Rugoff, aussi directeur de la Hayward Gallery de Londres depuis 2006, se sert pourtant de l’ironie sous-jacente au proverbe fictif chinois1 pour aborder de front l’état inquiétant du monde.
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Manif d’art 9 : Si petits entre les étoiles, si grands contre le ciel
Au printemps 2019, se tenait la neuvième édition de Manif d’art – La biennale de Québec, organisée pour une seconde fois en partenariat avec le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Directeur de la Ikon Gallery de Birmingham au Royaume-Uni, Jonathan Watkins signe cette programmation.
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Tarek Lakhrissi, Alibi futuriste
La première chose qui frappe en arrivant devant le centre d’art
contemporain de Noisy-le-Sec est cette étrange lumière soleil
couchant qui émane des ouvertures du bâtiment de la fin du 19e siècle. Les tonalités chaudes et hypnotisantes des néons colorés et des filtres recouvrant les fenêtres allouent à cette étrange maison, seule rescapée d’un bouleversement urbain, une allure étrange. -
Nicolas Baier, Nervure’s Path
Avec les soins de la commissaire Muriel Quancard, des
oeuvres anciennes et inédites ont pour l’occasion été réunies dans les espaces de l’Arsenal Contemporary ayant pignon sur la rue Bowery, à deux pas du New Museum. La vitrine offrait judicieusement aux regards Vanité/Vanitas (2011-2012), faisant de cette pièce maitresse de Baier une amorce que personne ne pouvait ignorer. -
Jinny Yu : I like My Countries and My Countries Like Me
À une époque où l’immigration est au centre de divers débats, on oublie trop souvent l’aspect humain et social de ce phénomène. C’est pourquoi le Centre culturel coréen d’Ottawa, dont la mission est de promouvoir la culture coréenne et les bonnes relations Corée-Canada, accueille une modeste, mais combien riche, exposition de l’artiste canadienne d’origine coréenne Jinny Yu qui incarne l’enchevêtrement identitaire de nombreux immigrants coréens, une réalité qui peut peser tout aussi bien sur d’autres groupes d’immigrants.
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Carl Trahan : Das Gleitende - 3
Disorientation, polarization and disarray are certainly accurate terms to describe the current cultural, social and political environment we find ourselves in. Our era is rife with uncertainties and tensions in relation to what appears to be a persistent modernity that seems to have run its course on several fronts. With climate change and the Anthropocene,
humanity is confronted with an unprecedented planetary finitude
requiring an urgent rethink of the modernist embrace of unfettered growth and technological progress. -
Vapeurs, Guillaume Adjutor Provost en conversation avec Julie Tremble et Guillaume B.B.
Présentée dans la petite salle de la Fonderie Darling, l’exposition Vapeurs se déploie en plusieurs actes. Difficile de déterminer là où l’intervention de Guillaume Adjutor Provost commence et là où elle s’arrête. Celui-ci est le metteur en scène habile d’une exposition multidisciplinaire où gravitent plusieurs intervenants. Dans une ambiance éthérée, Provost nous invite à effectuer un voyage aux confins de notre psyché, dans les abysses de notre inconscient. Pour ce faire, il faudra inhaler toutes les vapeurs et plonger au plus profond de
nous-mêmes. -
David Armstrong Six, Night School
Commissariée par Caroline Andrieux, l’exposition Night School de
David Armstrong Six réunit les plus récentes oeuvres de l’artiste dans la grande salle de la Fonderie Darling et s’intéresse au phénomène du temps, à l’empreinte historique et écologique de l’humanité ainsi qu’à la sculpture. Présentant un amalgame de styles et de techniques, ce projet met en relation quatre groupes d’oeuvres qui semblent appartenir à des temporalités différentes. -
Catherine Sylvain : Géographie multiscalaire
Certains artistes poursuivent leur carrière de façon soutenue, mais restent cependant plus discrets que d’autres. C’est le cas de Catherine Sylvain dont les expositions individuelles se font rares1 même si elle pratique la sculpture depuis plus de quinze ans en réalisant, notamment, des oeuvres dans l’espace public tel, par exemple, Point d’origine (2014), une sculpture en forme de main installée à la Place Raymond-Plante, à Montréal, rendant hommage aux ouvriers qui ont façonné le quartier Rosemont.
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Karen Trask : Noeuds d’écoute1Listening Knots
Entrer en rapport avec l’oeuvre de Karen Trask produit le même effet que la lecture d’un poème. Ce qui est donné à lire, ou plutôt à voir, ne se résume pas en un énoncé ni une idée. Il n’y a pas de message dans l’oeuvre de Trask, comme il n’y a pas de narration. Notre rapport au langage s’en trouve modifié, voire déstabilisé. Comme le dit la poète Hélène Dorion : « On saisit un poème plutôt qu’on le comprend ». On saisit l’oeuvre de l’artiste sans savoir exactement ce qui se saisit en soi à la rencontre de l’oeuvre.
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Marie-Andrée Godin, (im)possible Labor
(Im)possible Labor est la toute première exposition solo de Marie-Andrée Godin à Montréal, développée en partie à Espoo en Finlande où elle poursuit des études doctorales à l’Université Aalto. Ce projet s’inscrit à travers son corpus WWW3 (WORLD WIDE WEB/WILD WO.MEN WITCHES/WORLD WITHOUT WORK) qui porte parallèlement sur le féminisme et le post-capitalisme, et ce, avec une insoupçonnée touche de sorcellerie et de magie.
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Jo-Ann Balcaen, Any Gallery, Anywhere
Much ink has been spilled over the “white cube” since Brian O’Doherty’s 1976 essay in Artforum gave a name to a mode of exhibiting art that was by then decades old. But while the white cube as exhibition space has been argued to death, comparatively little has been said about the white cube as workspace. With her latest exhibition Internal Dynamics, at Optica, Jo-Anne Balcaen seeks to ameliorate this dearth. Having supported her artistic practice as an exhibition coordinator for various art institutions, this is familiar ground for Balcaen.
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Anicka Yi : un temps et un monde affranchis
Le travail de l’artiste sud-coréenne Anicka Yi bénéficie, depuis
quelques années, d’une grande visibilité. L’année 2019 ne fait pas exception avec des participations à la Biennale de Venise et à une importante exposition de groupe organisée par le MoMA et intitulée New Order: Art and Technology in the Twenty-First Century. Au printemps, l’artiste fait étape à Bruxelles dans l’antenne belge de la galerie new-yorkaise de Barbara Gladstone, où elle inaugure une exposition plus intimiste que ses propositions muséales, mais pas moins frappante, ayant pour titre We Have Never Been Individual. -
Vija Celmins: To Fix the Image in Memory
Vija Celmins: To Fix the Image in Memory is a major North American retrospective of the artist’s work organized by the San Francisco Museum of Modern Art and the Metropolitan Museum of Art. The exhibition brings together 110 works, half of which are from private collections. Over 65 of the drawings, paintings, and sculpture are works related to ocean waves, desert floor and star fields. The subjects date from 1969 to the present, and so we can assume that these are the ’main focus’ of her work and limit our comments to these.
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Exposition Lumina
De manière à mettre en perspective le potentiel que génère la lumière en tant qu’objet et sujet, Émilie Granjon et Laurent Lamarche ont commissarié l’exposition collective Lumina. Les artistes réunis proposent des stratégies inattendues de réflexion, projection et diffraction lumineuse provoquant un décalage : ce que l’oeil perçoit n’est pas toujours ce que le cerveau reconnaît et inversement. Paradoxes d’un monde entre
réalité et illusion, densité et transparence, apparition et dissimulation : phénomènes par lesquels les artistes perturbent nos attentes, insufflent une précarité de perception, brouillent les frontières. -
Alicja Kwade : The Resting Thought
Que faisons-nous au sein de cette capsule de temps restreinte
qu’est la Terre ? Sur quels consensus avons-nous bâti nos systèmes de mesures et de croyances ? Artiste polonaise vivant à Berlin, Alicja Kwade a fait du scepticisme et du réductionnisme les pivots d’un travail sculptural jouant sur la matière, la perception, les vérités présumées et les systèmes de valeurs à travers lesquels elle interroge l’espace et le temps. -
Livres et ouvrages reçus
Carole Talon-Hugon, L’art sous contrôle. Nouvel agenda sociétal
et censures militantes; Jean-Pierre Larocque; Kim Waldron.
Une autre femme_Another Woman; Facing the Monumental. Rebecca Belmore; Archi-féministes ! Art contemporain,théories féministes / Contemporary Art, Feminist Theories; Karine Payette. Point de bascule. Tipping Point; Dawna L. Schuld Minimal Conditions: Light, Space, And Subjectivity; Cynthia Fecteau: Habiter le monde et ses contingences précaires.Quelques topographies de la création; Hybrid Practices: Art in Collaboration with Science and Technology in the Long 1960s.