Trouble-fête | Killjoy
- magazine : Esse
- numero : 67 - 2009
- date : 01 septembre 2009
- catégorie : Culture & arts
Sommaire
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Trouble-fête un jour, trouble-fête toujours
Avec ce numéro, notre désir était de clairement marquer notre 25e anniversaire sans pour autant produire un ouvrage commémoratif, choisissant ainsi de nous pencher sur le présent plutôt que de ressasser le passé. Célébrer le présent ? Soit, mais célébrer quoi, en 2009 ? Outre le sentiment de satisfaction face aux actions accomplies, souligner un anniversaire implique aussi un surcroît de travail et d’investissement – le volume de cette édition en faisant foi – et ce, sans ressources supplémentaires. Face à une crise qui n’est pas sans affecter les secteurs culturels, le désir de faire la fête se fait moins fort. Qui plus est, comment se réjouir lorsque nos dirigeants retirent progressivement et sournoisement leur appui à la culture ? La célébration prend alors des tournures plus amères ou plus cyniques. C’est donc sous l’enseigne de l’anti-fête que esse souligne ses 25 ans.
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Le déceptif du festif
Les fêtes ou la fête de l’art contemporain ne sont pas aussi libératoires qu’on le dit, surtout vues sous l’angle de l’économie politique, en l’occurrence celle héritée de l’utilitarisme, fortement renouvelée dans l’actuel néo-libéralisme. Plutôt que de comprendre la fête comme la poursuite hédoniste des seuls individus qui cherchent à maximiser leur bien-être esthétique, il faudrait repenser cela sous la forme d’une esthétique du don, donc également repenser l’autonomie et le désintéressement de l’art dans ses relations aux enjeux pratico-moraux.
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Quand l’artiste fait la fête, est-ce toujours la fête ?
Le souci « festif », depuis le second Après-guerre, a été décliné par maints artistes de maintes façons : repas esthétisés organisés par Daniel Spoerri et Dorothée Selz, fêtes païennes des actionnistes viennois et, ludiques et désacralisantes, de Fluxus, séances de libération collective orchestrées par Jean-Jacques Lebel dans ses festivals parisiens de la Libre expression. Cette disposition festive, dans la période récente, ne mollit pas. De nombreux artistes font de la « fête » leur thème d’élection et de travail, dans un sens souvent caustique ou polémique cependant, en requalifiant le regard porté sur la fête en un moment historique où triomphent l’individualisme et la relativité des valeurs. Toute célébration de quoi que ce soit faite de manière collective, au nom d’un « être ensemble » est en effet devenue problématique, à plus forte raison lorsque les politiques culturelles font de la « fête » un événement obligé, censé symboliser l’union et la solidarité du corps social. L’artiste contemporain se fait alors trouble-fête. La fête, oui, mais sous condition qu’elle ne soit pas l’occasion, pour l’autorité publique notamment, de masquer ou dériver conditionnements et oppression.
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Que la fête commence : processions, parades et autres formes de célébrations collectives en art actuel
Ce texte aborde différentes formes festives de l’œuvre d’art : processions, parades et manifestations récemment organisées par des artistes dans la perpective d’une reconfiguration des rapports entre l’art, la réalité et le public. Discutant des œuvres de Francis Alys, Jeremy Deller, l’organisme Foli-Culture, les Fermières obsédées et Pierre Huyghe, l’auteure envisage la fête dans sa dimension anthropologique comme une forme de rassemblement populaire et de célébration collective qui permet de mettre ensemble des mondes ou des groupes hétérogènes et de renégocier l’espace.
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La fête fortuite
Les pratiques artistiques qui prennent la fête comme thème ou contexte d’intervention témoignent de la transformation qu’elle connaît aujourd’hui : alors que les grands rassemblements collectifs de nature religieuse ou civique qui la définissaient tendent à s’éclipser, la fête se survit pourtant en se renouvelant sous la forme d’un « festif » profane, affranchi de tout rituel prescriptif. Si des artistes témoignent de ce déclin de la fête en l’abordant sous l’angle du pathos ou de la transgression (Claude Lévêsque, les Fermières obsédées), d’autres ironisent sur elle ou la « réaniment » en travaillant à même le vernissage (Picabia, G. Carnevale, les QQistes). Enfin, dans certaines pratiques qui font surgir des types d’animation collective impromptue (M. Guerrera, collectif Pique-Nique, J. Hubaut), la fête devient une forme évanescente et sporadique, à l’opposé de la coutume instituée qu’elle était à l’origine.
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Le syndrome patrimonial et la société commémorative
Quel est donc ce syndrome patrimonial dont l’énigme nous tient en suspens de notre devenir et qui signe incontestablement la transformation progressive du monde en musée ? Cette sensibilité contemporaine pleinement esthétique se caractérise par la hantise de l’oubli de l’histoire et la nostalgie d’une histoire exotique fantasmée qui est le pendant temporel de l’appel touristique au dépaysement ou encore de l’obsession généalogique identitaire. Dans ces trois cas de figure se retrouvent le même décollement du réel et le même effet d’esthétisation du monde, de l’autre et jusqu’à notre propre mémoire – le monde, l’altérité et l’identitaire étant semblablement ramenés à leurs signes pris dans le miroir brisé de notre postmodernité.
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BGL – Des lieux de mémoire précaires et révélateurs
Dans cet article, l’auteure commente quelques œuvres du trio de Québec BGL par l’entremise de la notion de « lieux de mémoire » empruntée à l’historien Pierre Nora. Faisant d’abord remarquer la récurrence dans les installations du collectif d’objets et de situations qui évoquent leur disparition tandis que la marchandisation et l’exploitation de la nature gagnent du terrain, elle aborde ensuite plus en détail l’œuvre À l’abri des arbres. À l’exemple d’un mémorial, suggère l’auteure, l’installation revalide une certaine lecture du passé et donne à voir comment l’abondance festive de la surconsommation entraîne la mise en péril des ressources naturelles. La déambulation proposée par BGL, conclut-elle, se présente aussi comme une expérience planifiée, faisant écho à une des fonctions des lieux de mémoire qui consiste à dégager du consensus.
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Le corps de l’image – Reconstitution sculpturale et monumentale de la photographie de presse chez Anno Dijkstra
Les images de presse sont parties prenantes de propositions artistiques engagées dans une entreprise de rénovation de la représentation de l’histoire contemporaine. Par le recours aux images de presse, le domaine de l’art tente une réhabilitation du genre historique – refoulé par les avant-gardes – dans la perspective d’une relecture critique de celui-ci. Les images canoniques du photojournalisme, soit ces clichés devenus notoires grâce à une médiatisation massive, sont dans ce contexte revisitées. Depuis lors, le photojournalisme demeure le banc d’essai des ambitions historiographiques de l’art contemporain. Prenant appui sur les travaux récents de l’artiste néerlandais Anno Dijkstra, cet essai interroge certaines procédures de reconstitution et de monumentalisation d’images de presse célèbres.
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Monuments commémoratifs immédiats - La célébration implicite du deuil communautaire
[Amalia Mesa-Bains et Thomas Hirschhorn]
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L’éternité nue
Dans « L'éternité nue », la fragmentation sert à critiquer les récits homogènes (publics ou personnels) qui célèbrent la mondialisation comme étant la nouvelle pression vers la totalité, ce qui explique pourquoi ce texte est composé de fragments assez courts. L'auteur affirme que dans les pays où le pouvoir du capital des entreprises a atteint un niveau impérial, le mot « démocratie » sonne creux. Pour rétablir le statut d'utopie politique de la démocratie, qui a été perdu, il faut comprendre que tout, même l'art, doit être inscrit dans un système beaucoup plus vaste que lui-même. L'autonomie de l'art n'exclut d'aucune manière son ouverture à une telle expansion. Toutefois, il doit y avoir aussi des gestes négatifs – des parenthèses sélectives, pour ainsi dire. Ce qui est remarquable à propos de ces gestes négatifs, c'est qu'ils sont capables (à la différence des gestes affirmatifs de signature) d'auto-négation – mais ils se nient au nom de l'utopie, pour ainsi dire. En fin de compte, l'attitude de célébration de la mondialisation est un véhicule qui répand des « au lieu de » : l'idiotie au lieu de l'idiosyncrasie, le glamour au lieu de l'amour (le « gl- » est ici l'abréviation de « glossy »). Car l'amour « glossy », c'est la terre promise.
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Ce que dit l’anniversaire
Le temps, tel que nous le vivons, est un composé d’abstraction et d’expérience : la chronologie est une invention qui sert à mesurer l’écoulement de la vie en même temps qu’elle rassure sur sa pérennité. L’anniversaire, cette émergence d’un fragment du temps accumulé, résume bien le mélange incongru du comptage le plus abstrait avec la pointe la plus singulière du vécu individuel.
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Portfolios
Jason Arsenault
Christophe Beauregard
Marjolaine Bourdua
Sylvain Bouthillette
Jacynthe Carrier
Harald Fernagu
Isabelle Hayeur
Laurent Marissal
Olivier Morvan
Mika Rottenberg
Carlos & Jason Sanchez
Cindy Sherman
Fabien Verschaere
Jeff Wall -
Affaire de zouave
Trouble-tête
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Expositions
Jon Sasaki – Red Bull 381 Projects
feelers – Susan Hobbs Gallery
Robert Polidori – Musée d'art contemporain de Montréal
Lorna Brown – Morris and Helen Belkin Art Gallery
Félicien Marboeuf (1852-1924) – Fondation d'entreprise Ricard
Rhonda Weppler et Trevow Mahovsky – Fonderie Darling
Rachel Harrison – CCS Bard Hessel Museum
Marie Cool Fabio Balducci – South London Gallery