Tyrannies de la transparence
- magazine : Multitudes
- numero : 73 - 2019
- date : 17 janvier 2019
- catégorie : Monde & société
Sommaire
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L’embrasement du musée de Rio
Une métaphore du Brésil
- Manifeste pour le droit d’accès aux collections coloniales séquestrées en Europe de l’ouest
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Bombatalu
La vague qui frappe
trois fois -
Olivier Nottellet
Une projection
d’hypothèses -
Tyrannies de la transparence
L’idéal de transparence semble s’imposer à tous les esprits comme une évidence. Toute opacité
est suspecte de cacher des pratiques douteuses (népotisme, corruption, détournement,
abus) en faisant obstacle à une indispensable soif de vérité. -
La transparence est notre censure
Pour éphémère qu’elle fut, la République de Weimar a solidement ancré cette idée dans l’imaginaire
occidental : la démocratie se distingue par l’abolition de la censure. Dans sa Constitution
de 1919, on trouve cette affirmation : « Aucune censure n’a lieu » (Eine Zensur findet
nicht statt). Aujourd’hui encore, les démocraties du monde occidental se targuent d’avoir mis
un terme à l’institution de la censure. Sauf à compromettre la protection de la jeunesse ou la
sécurité nationale, tout, absolument tout, peut être librement discuté sur la place publique ;
pas de sujet qui n’ait à passer au préalable le crible de la censure d’État. Voilà pour la théorie. -
L’hypercapitalisme de la transparence
Customer-Lifetime-Value – voilà le terme qui désigne la valeur qu’un individu représente
tout au long de sa vie de consommateur pour une entreprise. L’intention de ce concept est
de transformer intégralement la personne humaine, sa vie entière, en valeurs commerciales.
L’hypercapitalisme contemporain dissout l’existence humaine en un réseau de relations
marchandes. Il n’y a plus aucun domaine de nos vies qui soit exempt de ces logiques
de valorisation commerciale. -
Onze thèses sur la transparence
La logique binaire du passage ou non (du courant, de signaux, etc.) devait
nécessairement donner lieu, dans le monde de l’informatique, aux débats – plus ou moins
intenses, selon les époques – sur l’open et le close, sur l’ouverture et la fermeture des sources. -
Le reste de la transparence
La mise en corrélation inédite des données numériques semble créer un double du réel parfaitement
adéquat : c’est cela qui cause tant d’effroi tout en rendant ses opérations normatives
invisibles, par ce curieux paradoxe par lequel un opérateur de transparence doit précisément
s’effacer. -
Interrompre la distriveillance
Les sujets numériques sont façonnés aujourd’hui par le partage du sensible numérique – un
arrangement qui détermine ce qui est visible, audible, dicible, connaissable, ainsi que les rôles
que chacun d’entre nous est appelé à y jouer. En raison du fait que cet arrangement implique
des formes de distribution ainsi que de surveillance, je propose de l’appeler distriveillance,
néologisme à entendre comme désignant une « surveillance en partage » (shareveillance). -
Le design de la transparence
Une rhétorique au coeur
des interfaces numériques -
Logistique de la “dématérialisation ”
Le terme « dématérialisation » ne pourrait être plus trompeur. On le retrouve dans les écrits
de plusieurs théoriciens et philosophes contemporains, sans parler des journalistes. -
Des intimités transparentes ?
Outil de gouvernance à toutes les échelles – globale, nationale, locale – la transparence s’est
imposée comme une norme à la fois morale, économique et politique, et ce en particulier
après la fin de la guerre froide. Accusés à juste titre d’opacité et de manipulation des populations,
les régimes communistes ont été constitués en pôles négatifs permettant l’assomption
de la règle suprême de transparence. Devenue une valeur incontestable d’un capitalisme
désormais étendu au monde entier, la transparence s’applique à tous les champs sociaux et
aux instances censées les réguler. -
L’Index des clés performatives
Prendre la mesure de la mesure
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L’Afrique en Théorie
Écrire le monde depuis l’Afrique, inscrire
l’Afrique dans le monde ou comme un fragment
du monde, voilà bien une tâche grisante et, la plupart
du temps, propre à la perplexité (Mbembe
2001).