Liaisons dangereuses
- magazine : Kometa
- numero : 2 - janvier 2024
- date : 01 janvier 2024
- catégorie : Culture & arts
Sommaire
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Correspondances
Comment sauver un livre des griffes de la censure ? La langue peut-elle survivre à l’exil ? Et face à la haine, que peut la littérature ? Tous deux exilés, Nasim Vahabi, romancière iranienne, et Mikhaïl Chichkine, écrivain russe, entament une correspondance entre Paris et Bâle.
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Salomé Kiner
La mère de la romancière Salomé Kiner a épousé dans les années 1980 un juif soviétique et avec lui la langue russe. Ils ont fini par divorcer, la Russie est devenue infréquentable, mais le plaisir
des mots est resté intact. Comment continuer à aimer la langue d’un pays qui nous a déçus ? -
Witold Szabłowski
En 1943, en Volhynie et en Galicie, dans l’est
de la Pologne occupée, cent mille civils sont massacrés par des nationalistes ukrainiens. Des « justes » protègent leurs voisins, au péril de leur vie. En leur nom, descendants des victimes et survivants ont pardonné et accueillent
chez eux des réfugiés ukrainiens. L’écrivain polonais Witold Szabłowski les a rencontrés. -
Emmanuel Carrère
Tant que la guerre n’est pas finie, que la Russie reste invaincue, de nombreux Ukrainiens refusent de côtoyer des Russes. Même opposants à Poutine, même antiguerre, même exilés de longue date. Emmanuel Carrère est parti à Kyiv et à Kherson explorer les ressorts de cette position de principe.f
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Vlada et Kostiantyn Liberov
Ils sont mari et femme. Avant l’invasion de leur pays
par la Russie, ces deux Ukrainiens étaient photographes
de mariage et d’histoires de cœur. À 30 ans, ils sont devenus reporters de guerre parmi les soldats et le chaos. Les clichés de Vlada et Kostiantyn Liberov racontent autant le basculement de leur propre destin que celui de l’Ukraine. -
Prendre un homme par la main
Qu’est-ce qu’être un homme, un vrai? Cette question traverse
les portraits de Valery Poshtarov, qui a fait poser des pères et
leur fils main dans la main, dans son pays, la Bulgarie, mais aussi
en Géorgie, Arménie, Turquie, Serbie. En les observant, l’écrivain Mathieu Palain s’est aperçu qu’il ne tenait plus son père par la main. Et que ce geste anodin raconte beaucoup des préjugés sur la virilité. -
Timothy Snyder
Professeur à Yale, l’historien américain, spécialiste de l’Europe centrale et orientale
et de la Shoah, met en garde contre le risque
de répétition de l’Histoire et explore les théories du complot antisémites de Vladimir Poutine
à l’aune du conflit entre Israël et le Hamas. -
Comment construire son meilleur ennemi ?
Pour lancer une guerre, il faut
un ennemi, et un bon. Comment le fabrique-t-on ? Par quelles manœuvres attise-t-on la haine pour qu’un jour on ne pense plus qu’à détruire « l’autre » ? Pour que le tourbillon des sales idées qu’on infuse et diffuse donne force de loi à l’innommable ? Des siècles d’antisémitisme
ont préparé les esprits à la
« Solution finale » nazie. Au Rwanda, Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM) a chauffé les braises du génocide, en 1994, en désignant les Tutsi comme autant de « cafards »
à exterminer – le colonialisme avait auparavant alimenté ces haines entre ethnies. Une à une,
les barrières morales tombent, ne reste qu’un message martelé comme une évidence : l’autre est le diable, il faut l’éradiquer. Normal et nécessaire : si on ne l’exécute pas, c’est lui qui nous fera disparaître ! Alors s’abattent les sabres qui font gicler le sang. Ensuite, une fois que l’ennemi a été mis à terre, torturé, terrorisé, éliminé, violé, l’humanité peut- elle refaire surface ? Parler
à l’ennemi est-il possible ? Après le temps de la haine, arrive le temps du soin : raccommoder les existences, panser les plaies, cohabiter en enfouissant les tragédies, ou en les partageant. Pour Kometa, cinq personnalités explorent le sujet.
Sylvina et sa fille Marianne, née d’un viol. « Je ne peux pas vraiment vous dire combien d’hommes m’ont violée, ils étaient nombreux. Tout ce que je sais, c’est que quatre mois plus tard, j’étais enceinte. Je me sentais tellement mal que j’ai essayé de me suicider deux fois. [...] Mais aujourd’hui, Marianne est ma vie. Je ne regrette pas le passé parce que je l’aurai aussi longtemps que je serai sur cette terre. » Extrait d’une série du photographe sud-africain Jonathan Torgovnik sur
les enfants nés de viols commis pendant le génocide des Tutsi de 1994. -
La fin de l’homme rouge
Svetlana Alexievitch est allée à la rencontre d’un pays disparu : l’Union soviétique. En Russie, en Ukraine, au Bélarus, au Turkménistan, la journaliste bélarusse a écouté la voix des ex-Soviétiques. Cet Homo sovieticus, c’est moi, dit-elle. « Nous sommes remplis de haine et de préjugés. Nous venons de ce pays qui a connu le goulag et une guerre effroyable.