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- magazine : Inter
- numero : 26 - 1985
- date : 01 janvier 1985
- catégorie : Culture & arts
Sommaire
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Discours sur l’art
Permettrons-nous longtemps à une bureaucratie locale ou gouvernementale, - lourde et inefficace, de tracer les orientations culturelles du Québec et plus particulièrement des régions?
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Les message paradoxaux d’une communication
Il y a dans la performance actionniste d'Eric Andersen, la réalité d'un réseau de communication mis en situation de confusion. À même le rythme accéléré des multiples points de circulation, les aires de signaux entrent nécessairement dans des collisions accidentées.
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Eric Andersen
Du 17 au 23 octobre dernier, Le Lieu, centre en art actuel, organisait la venue au Québec de l'artiste danois Eric Andersen, en collaboration avec le Ministère des relations internationales du Québec. Andersen a réalisé une performance en même temps que De Dubs Poets de Toronto, lors d'une soirée au Théâtre du Grand Dérangement.
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Des Los Angeles à Paris
Dans les vitrines de librairies apparaît un album qui attire tout de suite mon attention. Deux bandes jaunes traversent horizontalement la couverture. Sur celle du haut, les noms de deux auteurs: Bilal et Christin. Sur l'autre, un titre: LOS ANGELES. Entre les deux bandes: un dessin représente un carrefour de la mégalopole californienne avec en premier plan une femme aux joues maigres et aux lunettes noires qui masquent à peine sa souffrance et sa solitude. Dans le bas de la couverture, sur fond gris, un second titre: L'ÉTOILE OUBLIÉE DE LAURIE BLOOM. Évidemment, j'achète.
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Hiver/Roue - Poésie pour voix, oeil et mouvements
"Hiver/Roue" est une suite poétique composée de 57 poèmes; ces poèmes
sont regroupés en 19 parties, chacune des parties comprenant trois textes de
19 phrases chacun; sur une séquence de trois textes, les longueurs rythmiques des phrases conservent une même durée et des positions identiques dans l'ordre de lecture. D'une séquence à l'autre, la première phrase devient la dernière, jusqu'à ce que la roue soit tournée. -
Scan Lines
Transcrite le réel par balayage technologique. Vidéo en rétroprojection.
Balayage de la salle par jets rotatifs. Croisements des faisceaux sur des obstacles aux propriétés différentes: écran de nylon à lignes vidéo, spectateurs, murs de bois, murs de plâtre, sol de marbre, écrans opaques, écrans diaphanes. Le décor n'existe plus dans sa fonction première, il ne fournit plus le cadre de l'action, il devient lui-même action, partie du "déroulement". L'action se confirme dans la manipulation des objets technologiques. Ce qui s'y passe exclut toutes références aux concepts traditionnels utilisés pour tenter de circonscrire le réel. Sur ce qu'il reste de scène — mais on devrait plutôt parler Ici simplement d'un instant physique! — corps et technologie participent à la même déstructuration des perspectives. -
Pizza Napolitaine
Cette pizza napolitaine extra-large, sur laquelle j'ai déversé toute ma
colle et ma complaisance, et que j'ai pompeusement baptisé "l'Ombre du Souverain Pontife", je la dédie d'abord aux pionniers du photomontage,
des dadaistes allemands tels que Raoul Hausmann, Hanna Hoch, Baader, les frères Citroen, Kurt Schwitters, Max Ernst, certainement. J'aime le papier passé-date. 5 h oui j'aime le pape, yé passédate. Son Ombre se divise en trois sections rectoverso, 36" x 49", suspendues au plafond (crochets, clips, fil de pêche). Sur les murs, la photocopieuse contre-attaque avec "Un Homme pour les Hommes" Karol Lojtyla? -
Western Front place à l’artiste ouvrier-ère
Au Western Front depuis sa fondation en 1973 en tant que musicien, vidéaste, performeur et animateur de radio. De passage récemment à Montréal pour le vernissage de l'exposition WESTERN FRONT VIDÉO au
Musée d'art contemporain, il définissait le Western Front comme un centre de recherche et d'échange, préférant cette terminologie à celle du lieu alternatif ou parallèle qui désigne plutôt une action effectuée en marge du milieu. -
Le marché de l’art !?
Le marché de l'art et l'artiste au Québec (Québec, Ministère des Affaires culturelles, 1984), réalisée par la sociologue de l'art, Ninon Gauthier, et les professeurs d'histoire de l'art, Francine Couture et Yves Robillard, pour le
compte du Service gouvernemental de la propriété intellectuelle et du statut de l'artiste, est fort intéressante. Par ses nombreuses données sur les types d'art achetés, les principaux vendeurs et les différentes clientèles, elle vient non seulement lever le voile sur cette face cachée de
la scène artistique mais permet, en n'oubliant pas de prendre en considération l'impact du mécénat d'État et des acquisitions des musées,
d'en avoir enfin une vue d'ensemble et d'en mesurer les effets sur la carrière des artistes.Cependant, cette
U étude perd beaucoup
de son inté-
| k rêt lorsqu'on arrive
I l aux conclusions
ymw qui en sont tirées.
Peut-on vraiment affirmer,
devant la nette
domination de l'art
commercial et du
chromo qui accaparent
plus de 40% des transactions
s'effectuant annuellement
sur le marché,
que "...leproblème fondamental
d u marché de
l'art québécois est un
problème d'éducation du
public'"* Est-il juste de
proposer, vu que "l'obtention
d'une bourse ou
la vente d'une oeuvre à
une collection d'État est
en fait, pour la grande
majorité des artistes, un
moment exceptionnel
dans leur carrière" et
qu'en définitive c'est "...
le secteur privé qui fait
vivre les artistes", une
série de mesures visant à
accroître le rôle joué par
les galeries?
Il est permis sérieusement
d'en douter. Si Couture,
Gauthier et Robillard
arrivent à de telles conclusions,
cela est dû à une analyse
insuffisante de leur
part. En ce sens où, s'ils
nous donnent une bonne
idée du fonctionnement du
marché, jamais ils n'abordent
la question du fonctionnement
des choses.
C'est-à-dire qu'aucune
réflexion critique n'intervient
entre le traitement des
données et les solutions
qu'ils envisagent. D'ailleurs
cela est manifeste dans la
façon de présenter les résultats
de leur recherche. Il n'y
a pas une partie où les auteurs, après avoir exposé
leurs informations, ne portent
aussitôt un jugement ou
ne formulent un souhait
comme si cela découlait
tout naturellement des faits
qu'ils viennent de présenter.
Pourtant, il ne suffit pas de
constater que peu d'artistes
ont la chance d'avoir une
aide de l'État et que c'est le
marché qui les fait vivre
pour en déduire qu'il est
nécessaire d'aider davantage
les galeries. Car les
programmes d'aide individuelle
aux artistes, en visant
à atténuer uniquement les
contrecoups économiques
du marché, sont venus
redoubler le processus de
sélection auquel les artistes
doivent faire face. En effet,
Laurent Mailhot et Benoit
Melançon dans leur
ouvrage, Le Conseil des
Arts du Canada 1957-1982
remarquent que cet organisme
attribue son aide à
partir du même critère que
celui à partir duquel fonctionne
le milieu de l'art, soit
"l'excellence artistique".
Le fait que très peu
d'artistes obtiennent une
bourse ou vendent des
oeuvres aux collections
publiques prend alors un
tout autre sens. Ce n'est
plus une question de nombre,
mais le fait que la sélection
de ce petit nombre se
fasse selon la logique même
de ce que l'on prétend améliorer.
Aussi, en ne poussant
pas l'analyse assez loin, les
auteurs, au lieu d'atténuer
les effets du marché, en
accentuent à leur tour les
méfaits puisque donner plus
d'importance au rôle joué
par les galeries signifie que
la pratique artistique reste
plus que jamais coincée
dans l'engrenage de la nouveauté
ou des lendemains
qui chantent pour
collectionneurs.
Même chose en ce
qui concerne la domination
du marché par l'art commercial
et le chromo. Une
analyse plus poussée aurait
montré que le problème
n'est pas uniquement un
manque d'éducation artistique.
Et ce n'était pas les
informations qui leur manquaient
car lorsqu'ils remarquent
que dans le cas de
l'art commercial: 1- des
agents-distributeurs "en
sont les maîtres d'oeuvre"
et cherchent à conquérir le
marché le plus vaste possible;
2- "la rentabilité doit
être immédiate et tout
échec de la part d'un
artiste conduit à une rapide
éviction de "l'écurie"; 3- le
peu de valeur esthétique de
cette production "...des
plus traditionnelles", ils
font ressortir les points qui,
selon le sociologue Pierre
Bourdieu dans "le marché
des biens symboliques",
caractérisent le champ de
grande production apparu
avec le développement du
marché de l'art au cours du
dix-neuvième siècle.
S'ils avaient donc
cherché à comprendre ce
que signifie la prédominance
de l'art commercial
sur le marché, les auteurs
auraient vu, tel que l'a
démontré Bourdieu, que:
"Dans tous les domaines de
la vie artistique s'observe la
même opposition entre (...)
deux modes de production,
séparés tant par la nature
des oeuvres produites et les
idéologies qu'elles véhiculent
que par la composition
des publics auxquels elles
sont offertes".
Autrement dit, que le
problème fondamental du
marché n'est pas un simple
manque d'éducation artistique
mais que c'est d'abord
et avant tout le marché lui même
qui fait le problème.
Ils n'auraient ainsi pu éviter
de se demander pourquoi
un champ de grande production
et un champ de
production restreinte se
retrouvent au sein du
monde des arts visuels et de
prendre conscience de la
fonction sociale qu'ils remplissent
en s'opposant. Car
si les artistes s'inscrivent à
l'intérieur d'un champ
donné et que celui-ci
détermine autant ce qu'ils
vont produire que ceux à
qui cela est destiné, il s'ensuit,
s'ils acceptent passivement
les règles du jeu,
que leurs oeuvres remplissent
une fonction de reproduction
sociale. C'est-à-dire
qu'en atteignant des clientèles
différentes dans leurs
goûts respectifs, elles les
reconfirment dans leurs différences
irréductibles.
Malgré toutes les
informations qu'elle
apporte, l'étude de Couture,
Gauthier et Robillard est
loin d'être suffisante. Elle ne
peut sûrement pas dans son
état actuel servir, comme on
le mentionne dans la présentation,
de "...point d'appui
pour raffiner davantage
la connaissance du monde
des arts et orienter conséquemment
des actions afin
d'améliorer la condition de
l'artiste". L'analyse du marché
de l'art au Québec et de
ses implications sur la pratique
artistique reste toujours
à faire. -
Silence on saxe !
John Zorn et Ned Rothenberg. Deux saxophonistes expérimentaux, représentants très actifs de la nouvelle musique new-yorkaise, dans la lignée de Frith et Cora qu'on a pu voir à Québec à deux reprises grâce au travail d'Obscure. Zorn et Rothenberg: en atelier d'abord, pour un exposé et une démonstration par chacun d'eux de la spécificité de leur travail.
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Les bastringues sauvages
La vie n'est pas toujours rose pour qui a vomi les valeurs traditionnelles de
la société et se sent étouffé par la nullité de la production '84 primée à la soirée de gala de l'ADISQ ou encore par l'intensité de la bêtise de la radio qui
avec plusieurs stations n'a qu'un seul rituel insipide.