John Sayles, Paul Thomas Anderson
- magazine : L'Art du Cinéma
- numero : 38 - décembre 2002
- date : 01 décembre 2002
- catégorie : Culture & arts
Sommaire
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Une Amérique approchable : Lone Star et le western
Lone Star fait corps avec cette idée qu'il n'y a pas d'Histoire.
La seule voie praticable et juste pour constituer une histoire, c'est de s'en remettre aux histoires, à la fiction. Le film a une façon très singulière d'aborder les genres hollywoodiens, en inventant et en liant (des artifices de mise en scène effacent la rupture spatiale et temporelle) des séquences qui sont de réelles évocations du western, surgis d'un questionnement en cinéma sur l'Amérique contemporaine, ré-actualisant des pans de son passé par ce biais cinématographique. -
Limbo
«Séjour des âmes des justes avant la Rédemption» selon la théologie catholique, venant du latin limbus (bord), les limbes (en anglais limbo) sont plus couramment synonymes de «région mal définie, [d’un] état vague, incertain». C’est une notion qui reste elle-même assez floue, qui recouvre à la fois l’idée de localité et de situation spirituelle, et qui affecte d’emblée le film de John Sayles de sa nature hésitante.
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Sidney (Hard Eight / Double mise)
D'entrée de jeu, Anderson annonce une vérité du film noir :c'est la menace d'une déliquescence de l'Amérique qui fonde le genre — à l'instar d'un Eastwood révélant le western à lui-même dans la séquence d'ouverture de Pale Rider, en mettant en évidence le rôle génériquement fondateur du paysage. Qu'il faille donc en finir une bonne fois pour toutes avec sa (feinte) innocence et donner à voir que l'Amérique est ce dont il traite réellement, voilà d'emblée une des idées majeures de Hard Eight. Il n'est donc pas étonnant que cette idée s'articule à une discrète évocation du western, comme pour en désigner la lointaine parenté, à travers la présence “feutrée” du paysage.
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Entretien avec Alain Badiou à propos de Magnolia
Ce qui m’a frappée dans Magnolia, c’est la
multiplicité des espaces, la multiplicité des personnages, qui sont tous principaux, la multiplicité des jeux d’acteurs qui sont tous
extrêmement forts. Il y a quelque chose de très nouveau dans cette dimension, mais ce qui me semble très différent et en même temps ressemble beaucoup à l’un des premiers grands films de John Sayles, City of Hope de 1991, c’est justement cette multiplicité des espaces, des personnages, des histoires même, qui se tressent et se trament.